Les présidents François Mitterrand et Juvénal Habyarimana à Kigali, le 10 décembre 1984.

C’est une victoire historique qu’a obtenue, après cinq ans de combat, le chercheur François Graner. Vendredi, le Conseil d’Etat Français lui a accordé l’accès aux archives de François Mitterrand sur la politique française au Rwanda, où s’est déroulé en 1994 le génocide contre les Tutsis. Alliée du régime génocidaire, la France était en première ligne. Le chercheur revient sur la portée de cette décision.

Quelle est l’importance de la décision du Conseil d’Etat ?

Les membres de cette juridiction se sont réunis en assemblée solennelle, ce qu’ils ne font qu’une ou deux fois par an, pour affirmer que les citoyens ont le droit de s’informer. Et que ça prime sur la protection, les secrets des gouvernants. Sur le fond, c’est bien plus important que l’accès à ces documents précis. Désormais, grâce à cette jurisprudence, il sera plus compliqué pour une administration de refuser une demande d’informations, sur ce sujet comme sur un autre.

A quels documents aurez-vous désormais accès ?

Je vais pouvoir avoir accès à onze dossiers qu’on me refusait. En cinq ans de bataille, j’ai déjà pu obtenir cinq dossiers sur les dix-huit que je sollicitais. Ce qu’on vient de m’accorder, c’est l’accès à la totalité des archives sur Bruno Delaye, le conseiller Afrique du président. Ainsi que les 800 pages récoltées par Françoise Carle, une enseignante et militante du Parti socialiste qui, de façon informelle, avait pour mission de sélectionner les documents de conseillers de Mitterrand sur ce sujet.

Quels éléments nouveaux pouvez-vous espérer y trouver ?

On peut espérer avoir plus d’éclaircissements sur le tournant de la politique française au Rwanda en février 1993 : au moment où l’Elysée s’engage réellement aux côtés des extrémistes au sein du régime rwandais. Il est possible également d’avoir plus de précisions sur l’attentat du 6 avril contre l’avion du président Habyarimana. On en apprendra peut-être aussi plus sur le rôle de la France auprès de l’armée génocidaire en déroute à partir de juillet 1994. On sait déjà qu’elle l’a réarmée, mais on ne sait pas jusqu’où allait ce soutien.

Pensez-vous pouvoir trouver quelque chose de réellement inattendu ?

Ce qu’on sait de l’implication de la France pendant le génocide au Rwanda est déjà explosif ! Pour garder le Rwanda dans la zone d’influence française, une petite poignée de décideurs ont soutenu un régime génocidaire en connaissance de cause. C’est une complicité de génocide, et énoncer une telle accusation, c’est déjà vertigineux.

Source: Liberation

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